Reliquaire dit de Napoléon

Le contexte
L’essor du culte napoléonien au 19ème siècle
Après la défaite de Waterloo en 1815, l’Empereur prisonnier des Anglais est exilé sur l’île de Sainte-Hélène, où il vécut jusqu’à son décès en 1821. Son exil est le point de départ d’un vaste mouvement de pensée idéalisant l’empereur, diffusé par les anciens soldats puis relayé par les écrivains romantiques. Napoléon n’apparaît non plus comme un despote mais comme un défenseur de la patrie.

Le discours mythologique qui sacralise Napoléon se construit notamment à partir de l’image du génie incompris et abandonné. Dans ses mémoires, le Mémorial de Sainte Hélène publié de 1823, l’Empereur se décrit comme un homme humble et repenti, méditant près d’une fontaine à l’ombre de saules pleureurs. Cette image de martyr expiant ses fautes participe à l’exaltation du personnage, qui connaît son apogée avec le rapatriement de la dépouille mortelle de Napoléon en 1840. Cet événement, connu sous le nom du Retour des cendres, fut interprété par certains fidèles comme le symbole de la résurrection de l’Empire.

Le Retour des cendres et la constitution des reliquaires
En 1840, le roi Louis-Philippe décide du transfert du corps de Napoléon à Paris, où sera construit le tombeau dans l’Hôtel des Invalides. Le Retour des cendres est, pour la Monarchie de Juillet (1830-1848), une opération politique visant à redorer le prestige du gouvernement.
L’expédition est dirigée par le fils du roi, le prince de Joinville, qui embarque sur la frégate La Belle-Poule avec un équipage constitué d’anciens compagnons de Napoléon et de matelots de la marine française. A Sainte-Hélène, l’ambiance est à la solennité et au recueillement lors de l’exhumation.
L’équipage du navire prélève de nombreux souvenirs, cailloux, végétaux et autres fragments de l’île. C’est à partir de ces éléments récoltés à Sainte-Hélène que des reliquaires ont été réalisés.

L’objet
Le coffret-reliquaire se distingue par sa forme originale et par sa qualité de réalisation qui en font un véritable objet d’art. A l’instar de la châsse qui imite le sarcophage du saint, il a comme modèle le cercueil d’ébène dans lequel reposait le corps de Napoléon durant le transfert de Sainte-Hélène à Paris.
Le coffret-reliquaire a été réalisé pour Julien Mathon, officier de marine tourquennois, qui embarqua sur la Belle-Poule. A son retour, il place dans le coffret les reliques rassemblées, ainsi que son journal de bord qui raconte son périple de plusieurs mois à la manière d’un pèlerinage.

Les reliques sont rangées dans des compartiments identifiés par des inscriptions. Certains vestiges se rapportent à la sépulture de l’Empereur, qui se trouvait dans un vallon ombragé par les saules pleureurs :
« Morceau du cercueil d’acajou »
« Partie de feuillage placés sur le cercueil … »
« Partie de branche du saule planté sur la fosse »
« Morceau de saule foudroyé gisant dans l’enclos »
« Terre prise sur la fosse ».
D’autres évoquent les lieux intimes de l’Empereur :
« Morceau de bois détaché de la fenêtre du salon de Longwood, résidence de l’empereur », « Fragment de la pierre de la fontaine du saule, sur laquelle Napoléon aimait à s’asseoir ».

En l’absence du journal de bord, il est difficile d’expliquer les motivations de Julien Mathon : fascination et respect pour le chef d’armée victorieux, adhésion à son idéal politique libéral, compassion pour ses dernières années présentées comme le martyr de Sainte-Hélène. Il témoigne en tout cas de cette ferveur générale qui gagna la population lors du Retour des Cendres.

Bibliographie
CHRISTOPHE (Jean), Gens et choses de Tourcoing, Tourcoing, 1975.
HAZAREESINGH (Sudhir), La légende de Napoléon, Paris, Le point, 2008.
PETITEAU (Nathalie), Napoléon de la mythologie à l’histoire, Paris, Editions du Seuil, 1999.