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Plan de l’hôtel de Mme Saint Tixecourt à Tourcoing, 1912, Aquarelle de C. Bourgeois, Coll. C.H.L.

Dans cet hôtel privé, la cuisine ne se situe pas au même étage que les deux salles à manger – l’une pour le quotidien, l’autre pour les grandes réceptions. L’office, équipé d’un monte-plat, constitue l’espace de transition entre la pièce où les domestiques préparent le repas et la salle à manger.

Cuisine de maison de poupées, vers 1900, Matériau composite, Coll. C.H.L.

Cette maison de poupées foisonne de détails réalistes et donne un aperçu des modes de vie bourgeois au début du 20ème siècle à Tourcoing. La cuisine apparaît comme le lieu dévolu aux domestiques. Le mobilier essentiel à la préparation et au service du repas est reconstitué : le fourneau et sa batterie d’ustensiles de cuisine ainsi que le vaisselier chargé de plats et de vaisselle de table.

Cour Liagre à Tourcoing, 1860-1884, Photographie, Coll. Archives municipales de Tourcoing.

Les courées sont créées au 19ème siècle pour loger la population grandissante d’ouvriers travaillant dans les villes industrielles comme Tourcoing. L’unique pièce du logement située au rez-de-chaussée sert à la fois de cuisine, de salle à manger, de lieu de toilette et de chambre d’enfant. Dans ces cours enclavées, la promiscuité, l’entassement et l’absence de système d’évacuation des eaux usées créent des conditions de vie peu salubres.

La cuisine, 20ème siècle, Estampe par J. J. J. Rigal, Coll. Musée des Beaux-Arts de Tourcoing.

Cette gravure, réalisée par J.J.J. Rigal, représente une petite cuisine au milieu de laquelle trône un poêle Godin. En 1840, son inventeur a l’idée de remplacer la tôle dans la fabrication du poêle par de la fonte qui diffuse bien mieux la chaleur. La production industrielle en série rend accessible ce modèle à un grand nombre de ménages : le poêle constitue le cœur du foyer ouvrier, là où l’on se rassemble pour se réchauffer.

La maison, Vers 1930, Illustration tirée du Catalogue de la Manufrance, Coll. C.H.L.

Cette cuisine de logement modeste des années 1930 permet de préparer le repas dans de bonnes conditions matérielles et sanitaires. La pièce sert aussi de lieu de la toilette. L’eau courante et la salle de bain ne se démocratisent qu’à partir des années 1950.

La fabrique du repas
Espace ouvert ou fermé
Deux grands types de cuisine existent, la « cuisine fermée » et la « cuisine ouverte » intégrée dans la pièce à vivre. Au 19ème siècle, son ouverture ou sa fermeture est déterminée par le statut social, les conventions et les préoccupations liées à l’hygiène.

Un espace fermé

Dans la maison bourgeoise, la cuisine est le domaine réservé des domestiques, dans lequel la maîtresse de maison s’aventure peu. Cette pièce close est mise à l’écart dans l’habitation, parfois reléguée au sous-sol. Son emplacement doit être éloigné de la salle à manger pour ne pas incommoder les convives avec les odeurs et les bruits de préparation du repas. La circulation des domestiques entre les deux espaces s’effectue par un couloir ou un escalier de service. Il peut exister également une pièce de transition, l’office, qui est un petit local servant à la préparation du service et au rangement de la vaisselle.

La bourgeoisie distingue ainsi deux espaces aux fonctions propres, la cuisine et la salle à manger. Celle-ci devient le lieu privilégié de la vie familiale. Les classes modestes qui peuvent se le permettre adoptent cette configuration à la fin du 19ème siècle.

Un espace ouvert

A contrario, la cuisine du logement ouvrier se trouve dans la pièce principale où tout se fait : le repas, la toilette et le repos. Faute de place, elle est parfois réduite au minimum, se composant d’un petit poêle ou d'un réchaud qui sert à cuisiner comme à chauffer. Les moyens de cuisson sont limités, le mobilier est rudimentaire et l’espace de rangement est réduit. Les conditions des logements populaires sont souvent inconfortables et précaires pour la préparation du repas.

Cuisines sous surveillance hygiénique

Qu'elle soit bourgeoise ou ouvrière, la cuisine jouit d’une mauvaise popularité au 19ème siècle. Elle est alors perçue comme la pièce la plus sale de la maison que les architectes et les hygiénistes se font un devoir d’assainir.

« Il n’existe plus aujourd’hui dans les habitations qu’un seul lieu d’insalubrité, c’est la cuisine ».

Docteur J. A. Martin, 1899.

En effet, la préparation du repas est alors une activité salissante qui génère vapeurs, fumées, déchets et résidus poisseux. Sans compter qu’au 19ème siècle, les appareils de cuisson fonctionnent majoritairement au charbon, la suie est donc une gêne quotidienne.

A la fin du 19ème siècle, la cuisine du logement ouvrier devient le terrain d’expérimentation des nouveaux principes de salubrité. Réservés aux ouvriers et aux petits employés, des nouveaux logements sont peu à peu construits. Ils incluent des équipements innovants pour la cuisine comme le vide-ordure sur le palier et l’eau courante, avant même que ceux-ci ne se généralisent auprès des classes aisées. Le besoin de modernisation de la cuisine se fait moins pressant dans ces milieux, tant que les domestiques assurent la préparation et le service du repas. Ce n’est que plus tard, avec la crise de la domesticité, que la cuisine devient sophistiquée dans les familles aisées.

Aujourd’hui, le statut de la cuisine a changé avec l’évolution des modes de vie et les progrès techniques. La cuisine est de plus en plus une pièce à vivre, parfois ouverte sur le séjour.