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Bureau de bienfaisance de Tourcoing, Début 20ème siècle, Carte postale, Coll. C.H.L.

Le Bureau de bienfaisance inauguré en 1892 est chargé de la distribution de secours matériels. Géré par les Hospices, il joue un rôle essentiel dans l’application des lois d’assistance obligatoire aux « vieillards » (personnes âgées de plus de 70 ans), infirmes et familles nombreuses. Il devient le Bureau d’aide sociale en 1953.

Jeton du Bureau de bienfaisance de Tourcoing, 20ème siècle, Aluminium, Coll. C.H.L.

Contre un jeton, les indigents recensés par la commune reçoivent une quantité de pain déterminée. Du linge, des vêtements et des combustibles peuvent également être distribués. Le bureau de bienfaisance est un élément de stabilisation et de redistribution des richesses dans une société profondément inégalitaire.

Boulanger enfournant le pain au Bureau d’aide sociale, 2nde moitié du 20ème siècle, Photographie, Coll. C.H.L.

Afin de fournir un pain « aux meilleures conditions de qualité et de prix », le Bureau de bienfaisance décide d’en contrôler sa production de la récolte à la cuisson. A partir de 1913, il se dote de sa propre meunerie – abandonnée après la Seconde Guerre Mondiale –, de pétrins mécaniques et d’un four. Le Bureau d’aide sociale continue à produire un millier de pains par jour.

La cantine des vieillards, Février 1950, Huile sur bois de Jean-René Nys, Coll. C.H.L.

La loi du 14 juillet 1905 instaure l’obligation pour les communes et les départements d’organiser l’assistance, jusque là facultative, des « vieillards », des infirmes et des incurables privés de ressources. Les hospices communaux sont tenus de recevoir gratuitement les bénéficiaires domiciliés dans la commune, ce qui exclut de fait les indigents belges à partir de 1907.

Détail du bar de la maison du peuple de Tourcoing, Début 20ème siècle, Bois, Coll. C.H.L.

Cette scène évoque le rôle de la coopérative de la Solidarité Ouvrière dans la fabrication du pain à partir de 1904. Cette coopérative fonde en 1909 une maison du peuple, qui devient vite un lieu privilégié pour les réunions politiques et syndicales, en même temps qu’un centre d’entraide et d’éducation ouvrière.

Que mange-t-on ?
L’entraide alimentaire
Le régime quotidien de l’ouvrier est soumis aux aléas de la hausse des prix et aux périodes difficiles : le chômage, les accidents ou les maladies. Des stratégies collectives se mettent alors en place et proposent une nourriture gratuite ou bon marché.

Distribution gratuite de vivres

L’organisation de la charité, publique ou privée, s’est particulièrement développée sous différentes formes aux 19ème et 20ème siècles.

Le bureau de bienfaisance

En 1796, la loi instaure la création, dans chaque commune, d’un bureau de bienfaisance financé par les dons des particuliers et les subventions publiques. Le pain est une des principales denrées distribuées aux indigents car il est considéré comme « la base principale de l’alimentation ». Gustave Dron, Président de la commission du Bureau de bienfaisance, 1893.

En 1968, le Bureau d’aide sociale de Tourcoing distribue encore des pains de 700 g deux fois par semaine. « Cette forme d’aide peut paraître périmée de nos jours car si le pain fut considéré durant de longues années comme l’aliment de base, il n’en est plus de même aujourd’hui ». Quant à la livraison à domicile, elle « crée un lien de sécurité entre les personnes âgées souvent isolées et le Bureau d’Aide Sociale ». Les personnes témoignent « d’un ferme attachement » à ce type de secours matériels. Nord Matin, juin 1968.

La distribution de plats chauds : les fourneaux économiques

En parallèle, des associations privées et publiques s’investissent dans l’organisation de « fourneaux économiques », l’équivalent des soupes populaires contemporaines. En 1897, la municipalité de Tourcoing, grâce à des dons privés complétés par un financement public, ouvre six fourneaux dans différents quartiers de la ville pour venir en aide aux indigents et aux ouvriers privés de travail. Près de 152 000 repas sont fournis durant l’hiver 1891.

Les coopératives de consommation

Les coopératives de consommation sont des groupements de consommateurs, inspirées d’un modèle anglais, né en 1844. Elles ont pour but d'acheter en gros des produits de la vie quotidienne. Ces produits de première nécessité sont vendus à des prix compétitifs et fixes. Vers 1900, une famille peut réaliser une économie annuelle d’environ 1/5ème du salaire moyen d’un ouvrier du textile. Les adhérents peuvent également recevoir en fin d’année une partie des bénéfices. Appelée la « ristourne », elle est calculée au prorata des achats effectués.

Les plus fervents promoteurs de cette organisation sont les militants socialistes et syndicalistes. C’est pour eux un moyen concret de lutter contre le faible pouvoir d’achat et les crédits excessifs pratiqués par les commerçants. La coopérative « est la forteresse d’où la classe ouvrière bombardera la société capitaliste à coups de pommes de terre et de pains de 4 livres » Edouard Anseele (1856 – 1938).

« L’Economie des ménages », première coopérative tourquennoise née en 1882, tombe rapidement sous l’emprise des socialistes. De son côté, le patronat de l’industrie textile fonde en 1886 « La Mutualité ». Cette rivalité entre « sociétés bourgeoises » et « sociétés collectivistes », propre aux villes du Nord, est un des facteurs qui explique la densité du réseau des coopératives dans la région : on en compte 190 en 1907.

Les jardins ouvriers

«La question du jardin pour l’ouvrier est à mon avis […] un des éléments de solution de la question sociale. » Romain Flipo, vice-président des Jardins Ouvriers de Tourcoing, 1907.

La question sociale mobilise la classe politique et les milieux catholiques. Partant du constat que les denrées sont chères et de médiocre qualité, l’abbé Lemire, député-maire d’Hazebrouck, crée en 1896 la Ligue du coin de terre et du foyer ainsi qu’un mouvement idéologique, le terrianisme.

L’objectif est de mettre à disposition de l’ouvrier, quelles que soient ses idées politiques et religieuses, un lopin de terre en location dont la culture permettra non seulement d’augmenter ses revenus, mais lui offrira également « une nourriture saine qui reste la base de tout régime alimentaire […] La santé dépend de cette nutrition simple, préparée par la femme de ménage qui fait la bonne soupe et pour laquelle elle a besoin de ce qu’on trouve de frais et bon dans le jardin. » Congrès régional des jardins ouvriers à Tourcoing, 1907.

Le jardin ouvrier est également investi d’un rôle social. En incarnant le retour à la terre, il devient un instrument de « redressement moral » et permet d’éloigner l’ouvrier du cabaret. Il faut en effet « arracher les ouvriers au prolétariat qui les guette et les pourrit ». Abbé Lemire.