► Afficher la galerie des oeuvres

Planche pédagogique « Le repas en famille », 1904, Impression sur papier, Coll. C.H.L.

Le portrait de la famille sagement ordonnée autour de la table se diffuse au 19ème siècle à partir du mode de vie bourgeois. Dans bien des maisons pourtant, on continue de manger sur le pouce. Chez les familles bourgeoises, chacun est assis bien droit à une place définie autour de la table. L’organisation du repas est orchestrée par la maîtresse de maison, la bonne s’occupe de la préparation et du service.

Planche pédagogique « Repas en famille », vers 1960, Impression sur papier, Coll. C.H.L.

Autour d’une table richement garnie, toute une famille est rassemblée pour un repas du dimanche. La mère, au centre de la composition, est garante du bon déroulement du repas. Ces images de famille réunie à table, diffusées par les planches pédagogiques depuis les années 1900, contribuent à uniformiser les normes sociales et familiales.

Repas de famille, Pâques 1926, Photographie, Coll. C.H.L.

Les fêtes calendaires sont autant de prétextes à se réunir en famille et à partager un bon repas.

Horloge, Fin 19ème – début 20ème siècles, Bois incrusté de nacre, Coll. C.H.L.

L'horaire et le nombre de repas varient selon les époques et les classes sociales. Notre rythme alimentaire actuel - petit-déjeuner, déjeuner, dîner - n’est pas antérieur au Second Empire. En effet, au 19ème siècle, les repas se décalent vers le soir en adéquation avec le mode de vie bourgeois. Le dîner, autrefois repas de la mi-journée, a lieu à 19h. Le déjeuner se consomme désormais à 12h. Quand au repas du matin, il prend le nom de petit déjeuner.

À table !
Le repas familial
La banalisation des pratiques alimentaires individuelles fait craindre la disparition du repas familial. Pourquoi les familles françaises sont-elles attachées à ce rituel ? Pourquoi est-il associé au bon fonctionnement de la vie familiale ?

Le repas, un temps de partage

Prendre le repas ce n’est pas seulement manger, c’est aussi communiquer, partager, être ensemble. C’est là un paradoxe que l’acte essentiellement individuel de se nourrir soit en même temps un acte rassembleur. Dans la sphère familiale, le repas joue un rôle majeur car il est le temps de la transmission et de la consolidation des liens entre les membres de la maisonnée. Il « fait » la famille.

« C’est un moment où on se pose, un moment de convivialité. Il n’est pas question de faire ça à la légère, de seulement se nourrir. Pour moi, se nourrir, ce n’est pas seulement se nourrir, c’est beaucoup plus que ça. C’est s’arrêter et être avec l’autre, avec les autres, discuter, etc. »

Jean-Louis, 66 ans.

Le repas familial, un rituel moderne

Le repas familial est institutionnalisé par la bourgeoisie dans la seconde moitié du 19ème siècle. La plupart de nos règles de table proviennent de cette époque : horaires précis, repas organisé en trois services (entrée-plat-dessert), famille regroupée autour de la table.

« J’aime bien avoir l’entrée, le plat et le dessert. Comme on est qu’à deux, s’il n’y a pas d’entrée, le repas est vite expédié, donc avoir une petite entrée, même légère, ça fait durer un peu le plaisir, et ça nous force à dialoguer un peu plus longtemps. »

Thomas, 67 ans.

Manger en famille n’est plus conçu comme une simple pratique ordinaire. La mise en scène de la table, les règles strictes quant à la tenue des mangeurs et la complexification des recettes témoignent de l’importance prise par le repas au sein du foyer. Ces principes visent à structurer la vie familiale selon une certaine vision morale. En effet, du bon fonctionnement de la famille dépend la bonne marche de la société. Au centre de ce système, la femme est assignée à faire du repas, le ciment de la vie de famille.

Cette idéologie qui fait du repas un synonyme de cohésion familiale et de réussite sociale se répand progressivement dans toutes les couches de la population, à partir du début du 20ème siècle. Le repas autour duquel la famille se réunit, en particulier le soir ou le dimanche, devient un rituel adopté par le plus grand nombre.

Le repas aujourd’hui

Aujourd’hui, ce modèle est fortement intériorisé, même si en pratique on s’en éloigne de plus en plus. Les conditions de vie et l’évolution des mentalités ont transformé nos habitudes alimentaires. Le travail féminin, les distances entre le lieu de travail et le domicile, ainsi que les activités multiples bousculent l’organisation du repas. Mais, c’est surtout l’individualisation qui modifie les pratiques : chacun a tendance à piocher dans le frigo, à privilégier ses goûts et ses horaires.

Si le repas ordonné en trois services est en déclin, le repas comme moment rassembleur maintient, cependant, son importance. Ce n’est pas forcément le nombre de repas pris ensemble qui compte, mais l’ambiance, la sensation de « se retrouver ».