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Table dressée à la russe, 1899, Illustration tirée de Usages du monde par la Baronne Staffe, Coll. Privée.

Le dressage de la table à la russe, qui s’impose au 19ème siècle, concilie recherche d’organisation et d’esthétisme. Le centre de la table est occupé par des décorations florales entourées de coupes de petits fours. L’espace intime de chaque mangeur est délimité par la position des couverts et des verres. Le service de verres se décline à cette époque en différentes formes selon la boisson : verre à eau, à vin blanc, à vin rouge, à champagne…

Fin de souper, 1913, Peinture à l’huile sur toile de J.-A. Grun, Musée des Beaux-Arts de Tourcoing.

Entre 1850 et 1930, le mode de vie bourgeois est fortement tourné vers le paraître. Le repas du soir est l’occasion de déployer tout le faste aux yeux des invités. Ici, sur une nappe blanche bordée de dentelles, on repère la corbeille de fleurs au centre, les lampes décoratives et le luxe de la vaisselle.

Chemin de table, 1900, Cretonne (coton et lin), Broderies Richelieu et dentelles, Coll. C.H.L.

Ce chemin de table, finement brodé et orné de dentelles, se place au milieu de la table par dessus la nappe. Le linge de table est systématiquement repassé et plié en carrés, de sorte que, déployé, il conserve le tracé du repassage.

Chandeliers, 19ème siècle, Verre mercurisé, Coll. C.H.L.

Ces chandeliers ou flambeaux sont un élément de décor indispensable à l’illumination de la table. Ils sont réalisés en verre mercurisé, matériau qui connait son apogée à la seconde moitié du 19ème siècle. Le verre est soufflé et peint à l’intérieur d’une fine couche de mercure, qui lui donne cette note argentée. Les ménages n’ayant pas les moyens de s’offrir de l’argenterie ont utilisé ce procédé surnommé « l’argenterie du pauvre ».

Beurrier, « Fin 19ème – Début 20ème siècle », Verre moulé, Coll. C.H.L.

De la seconde moitié du 19ème siècle aux années 1930, les verreries françaises, comme celle de Sars-Poteries, ont produit en grande quantité des ustensiles de table de toute sorte : beurriers, sucriers, crémiers, coupes, etc. Le verre moulé est un procédé peu onéreux qui permet de donner toutes les formes. Il concurrence le cristal taillé qui reste réservé aux plus riches.

À table !
Mettre la table
C’est au cours du 19ème siècle que s’ordonne la disposition des couverts et de la table telle que nous le concevons actuellement : l’assiette au centre, le couteau à droite, la fourchette à gauche. Cette nouvelle organisation de la table provient d’un changement dans la manière de servir les plats. On passe du « service à la française » au « service à la russe ».

Du service à la française au service à la russe

Ce que l’on appelle le service à la française remonte à la fin du Moyen Age et se pratique encore au 18ème siècle dans les milieux aristocratiques. Sa particularité réside dans l’effet d’abondance et de variété qu’il produit : tous les mets sont apportés en même temps sur la table (avec un service pour les potages, un autre pour la viande, les desserts…). Les convives se servent dans les plats disposés devant eux, selon les préséances sociales et leurs préférences. Varié, ce service présente néanmoins l’inconvénient de proposer des plats souvent froids. C’est l’ancêtre du « buffet ».

Le service à la russe se déroule suivant une organisation différente. Les plats sont apportés les uns après les autres aux convives. Tout le monde mange la même chose en même temps. Cette coutume s’impose progressivement à partir du milieu du 19ème siècle entraînant un changement dans la manière de dresser la table. Dans les milieux aisés, les assiettes et les couverts se multiplient en fonction du nombre de plats qui seront servis. Les assiettes sont empilées les unes sur les autres et sont encadrées, à droite et à gauche, par des séries de couteaux et de fourchettes. La place et l’espace intime du mangeur sont ainsi clairement délimités.

Les arts de la table

« Si ce sont des invités, là on met vraiment les p’tits plats dans les grands, en sortant un service plus sophistiqué, plus raffiné. »

Dalila, étudiante, 24 ans (2013).

Les repas sont un moment important de la vie sociale. C’est l’occasion de déployer toute une mise en scène raffinée.

Avec l’adoption du service à la russe au 19ème siècle, la valorisation de la table ne passe plus par l’abondance des plats, mais par la vaisselle et les décorations. On recherche la blancheur de la porcelaine, l’éclat du cristal ou du verre et le miroitement de l’argenterie. Le centre de la table, jadis occupé par une profusion de mets, accueille une décoration, le « milieu de table », composée de dentelles, de pièces d’orfèvrerie et de fleurs.

Ces objets, réservés autrefois aux milieux les plus aisés, sont rendus accessibles au 19ème siècle aux classes moyennes grâce à l’industrialisation des arts de la table : porcelaine, cristallerie, verrerie et argenterie. Ce « mode de vie bourgeois » se diffuse rapidement par la presse et les catalogues de vente dans l’ensemble de la France.

Depuis les années 1950, les arts de la table sortent peu à peu du secteur du luxe pour s’adapter à l’émergence d’un nouvel art de vivre. Ils sont de plus concurrencés par le bon marché et le jetable, qui permettent de renouveler la table au gré des envies.